Plusieurs raisons non exhaustives amènent à ce constat : la sur-mobilité des femmes (chaînes de déplacement plus complexes et plus chargées) ; un rapport différencié au risque ; un milieu masculin où les femmes peinent à se sentir légitime dans leur pratique du vélo (normes sociales et culturelles).
La fracture liée au handicap
Les personnes en situation de handicap peuvent être freinées par un manque d’infrastructures adaptées, comme l’absence de pistes sécurisées ou de stationnements accessibles. L’offre limitée de vélos adaptés (tricycles, handbikes, tandems) rend aussi la pratique difficile. Enfin, le manque de sensibilisation et de formation du grand public et des acteurs du transport crée un environnement peu accueillant ou peu inclusif. A Toulouse parmi les personnes qui se déplacent, 5% disent rencontrer des difficultés dans leurs déplacements dont 42% en raison d’un handicap permanent[5].

Parmi les personnes sondées pour l’enquête, 89% se sont déplacés la veille du jour de l’enquête. Parmi les 11% restants, 5% ont exprimé des difficultés à se déplacer ; voici les raisons invoquées.
La fracture territoriale

Les pratiques de mobilité sont contrastées selon le territoire de résidence. La pratique du vélo est fortement différenciée en fonction de si une personne vit en milieu urbain, périurbain ou rural, liée à des questions d’aménagement et de rapport à la voiture. La part modale du vélo est de 4,1% sur l’ensemble du territoire, avec une pratique plus élevée dans le centre-ville de Toulouse (6,4%) que dans la première (3,7%), deuxième (1,6%) et troisième (1,9%) couronne. Le taux d’équipement en vélo révèle des disparités territoriales : à Toulouse, 46% des ménages n’en possèdent aucun, et se concentrent sur certains secteurs (Empalot, Reynerie, Capitole). Cela s’explique notamment par le caractère social du quartier (QPV), le type d’habitat et donc l’espace de stationnement disponible, la présence transport en commun et de l’offre de vélo libre-service.
La fracture socio-professionnelle
La mobilité des habitants est variable selon les caractéristiques socio-économiques des personnes : occupation principale, type de ménage (…) et selon leur rythme de vie.
La pratique du vélo est surreprésentée chez les cadres, CSP+[6] et professions intermédiaires et se perd chez les ouvrier·es. À Toulouse, le taux d’équipement des cadres en vélo est de 70% contre 20% pour les étudiant·es. Les personnes éloignées de l’emploi (les inactif·ves et les chômeur·euses) et les personnes précaires sont sous-représentées. Bien que solution de mobilité peu coûteuse, cela interroge sur les conditions d’accès au vélo.

Visibiliser les non-pratiquant·es du vélo pour encourager la diversité des pratiques cyclistes
En 2023, et sur l’agglomération toulousaine, le profil type du cycliste est un homme, cadre, habitant Toulouse ou la première couronne et utilisant le vélo pour se rendre à son travail. »[8]
Ce profil type du cycliste ancrée dans notre imaginaire n’est pas qu’une réalité toulousaine, c’est une réalité française. Notre intention est de visibiliser les non pratiquant·es du vélo afin de dépasser une vision potentiellement biaisée de la pratique cycliste, et d’amener à une conscientisation de ces empêchements pour encore mieux (ré)agir.
Il est important de ne pas aborder ces fractures avec des œillères et considérer les personnes éloignées de la pratique du vélo uniquement par leur statut (« approche statutaire » des publics) : « à l’arrivée de son deuxième enfant, cette femme parent solo a arrêté d’utiliser le vélo pour se déplacer car cela était devenu trop complexe pour emmener les enfants, faire les courses et aller au travail. » Il ne s’agit pas seulement de dresser des profils types des non-cyclistes, mais de mieux identifier les empêchements systémiques pour les dissocier du chemin de vie de chacun·e.
La mobilité, ce n’est pas simplement se déplacer ; c’est une transformation de soi, c’est la liberté de pouvoir faire des choix dans sa vie en toute autonomie. Une approche sensible avec pour base les données psychosociales qui devraient nous permettre d’écrire des politiques vélos 2.0.
Dans cette série de chroniques « Fracture(s) », nous explorerons par la suite des pistes pour faciliter une (re)mise en selle et des initiatives qui réenchantent la pratique du vélo de tous·tes. Habitant·es de quartiers périphériques, parents solos, enfants, seniors, personnes en situation de handicap, ou tout simplement “pas du tout sportifs” : au-delà du parcours de vie individuel, ces empêchements sont systémiques et montrent que faire du vélo, c’est encore une question de privilège dans de nombreux cas.
Et si on changeait ça ? ∎